mercredi 1 juin 2011

Portable « cancérigène », oreillette obligatoire ? | Rue89

Corinne Lepage au téléphone portable dans la cour de l'Elysée, en octobre 1995 (Charles Platiau/Reuters).

Au nom du principe de précaution, constitutionnel, le législateur pourrait-il imposer le port de l'oreille, face à un téléphone portable « potentiellement cancérigène » ?

C'est en tout cas l'idée lancée par la députée européenne (Cap21) Corinne Lepage. Les conclusions du Centre international de recherche sur le cancer de l'OMS (PDF, en anglais), rendues le 31 mai, selon lesquelles il y a « un risque accru de gliome, un type de cancer du cerveau associé à l'usage du téléphone mobile », lui inspirent la réflexion suivante :

« Soyons pragmatiques, on ne va pas faire baisser l'utilisation des portables [il y a cinq milliards d'abonnés dans le monde, ndlr]. Mais on peut imposer aux constructeurs une ergonomie qui empêche l'utilisation sans oreillette. »

Deux types d'oreillettes sont possibles :

  • avec fil, l'exposition de la tête aux ondes radio est divisée de 10 à 400, selon la Fédération française des télécoms (PDF) ;
  • en bluetooth, le débit d'absorption spécifique (l'exposition de la tête) est, en moyenne divisé, par 100.

Certes, Corinne Lepage ne se souvient pas que l'on ait imposé la modification d'un appareil au nom du principe de précaution, mais elle remarque que la Commission européenne « qui légifère sur tant de choses pourrait s'emparer de ce sujet. »

Jouanno causait oreillette, pour les moins de 12 ans

L'idée n'est pas nouvelle. Lors du Grenelle des ondes, en 2009, l'idée de rendre l'oreillette « indispensable » avait été « encouragée ». Le Grenelle 2 avait rendu obligatoire la fourniture d'une oreillette avec tout appareil.

A l'époque, la secrétaire d'état à l'Ecologie, Chantal Jouanno, avait déclaré :

« Il faudra aussi rendre obligatoire l'usage de l'oreillette pour les moins de 12 ans. »

Même s'il est officiellement conseillé de le faire, dans la pratique, le téléphone reste largement collé à l'oreille, donc près de la boîte crânienne.

« Pas d'obstacle », selon les constructeurs

Si leurs recommandations ne sont pas suivies, les pouvoirs publics doivent-ils passer à la méthode coercitive ? Jouant les bons élèves, opérateurs et constructeurs ne sont pas vent debout contre l'idée. La Fédération française des télécoms rappelle que :

« La France est déjà dans une approche de précaution, contrairement à d'autres pays. On est probablement les plus avancés au monde. Pour diminuer l'exposition aux ondes, on recommande :

  • d'utiliser l'oreillette,
  • de téléphoner dans des zones où la réception est de bonne qualité,
  • d'utiliser le mobile plutôt en 3G qu'en 2G. »

Le porte-parole des opérateurs se veut « pragmatique » pour relativiser les conclusions de l'OMS :

« Le principe de précaution doit s'appliquer de manière proportionnée au risque. Or, les ondes radio sont dans une catégorie qui concerne 266 autres agents dont le café et les légumes vinaigrés, et pas dans la catégorie “cancérigène” comme l'alcool, le tabac et l'amiante. »

Du côté des constructeurs, Stéphane Elkon, le délégué général du Gitep-Tics, assure qu'« il n'y a pas d'obstacle ». Nuance, tout de même :

« Une obligation de sécurité pèse sur les opérateurs : il faut pouvoir passer un coup de fil d'urgence. On ne voudrait pas que ce soit fragilisé par le cordon de l'oreillette, par exemple lors d'une agression.

Un enrouleur de fil est imaginable, mais quelle est la pérennité d'un tel système ? »

Enfin, les experts de l'OMS relèvent que le risque de cancer du cerveau associé à l'usage du portable augmente de 40% chez les « gros » utilisateurs (trente minutes par jour pendant dix ans). La première mesure de précaution serait déjà de ne pas atteindre ce niveau de « téléphonite » aigu.

Photo : Corinne Lepage au téléphone portable dans la cour de l'Elysée, en octobre 1995 (Charles Platiau/Reuters).

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