jeudi 30 juin 2011

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29 juin 2011 |
Académie des sciences : Le mégaséisme du 11 mars était prévisible

Tsunami au japon  Ce matin, l'Académie des sciences présentait un premier rapport sur la double catastrophe - naturelle et nucléaire - japonaise.

Il devait comporter trois volets - séisme et tsunami, l'accident de Fukushima Dai-ichi, ses conséquences sanitaires. Le troisième n'a pas été présenté car "non terminé" d'après son responsable Etienne-Emile Baulieu.

Les présentations par Jacques Friedel et Edouard Brézin des deux premiers rapports ne pouvaient pas bouleverser la connaissance du sujet, mais on peut en tirer quelques remarques intéressantes. Surtout, la mise en ligne des annexes des rapports, constitués de textes écrits spécifiquement pour ce travail de l'Académie, renferment des informations ou des présentations intéressantes. Cette note ne traite que de l'aspect séisme et tsunami, une prochaine traitera du volet nucléaire.

Une remarque de Vincent Courtillot (IPGP) présente bien la problématique en termes de chronologie scientifique et naturelle. Il note que les trois mégaséismes (plus de 9 en magnitude) du 20ème siècle se situent en 1952, 1960 et 1964. Puis, plus rien pendant 40 ans, au moment même où les géophysiciens découvrent le vrai moteur des séismes avec la tectonique des plaques. Puis, en 2004, 2009 et 2011trois mégaséismes (Sumatra, Chili, Japon) qui montrent que l'échelle de temps de "retour" de ces mégaséismes dépasse souvent la sismicité historique connue, allant titiller le millénaire. Conclusion de Vincent Courtillot : regardons de plus près le risque d'un mégaséisme aux Antilles.

Jean-Paul Montagner (IPGP), au cours d'une discussion personnelle après les présentations, a insisté sur la difficulté à financer de manière pérenne la recherche et la politique de prévention des séismes. La structure mise en place en France après le tsunami géant de Sumatra n'a pas résisté à l'usure des budgets, les systèmes d'observations de longue durée sont sous-financés. Un comble, alors que les progrès scientifiques permettent de dire sinon quand, mais du moins où auront lieu les trenblements de  Carte risque sismique japon terre, et de plus en plus avec quelle intensité. D'ailleurs, souligne t-il, même si c'est délicat de le dire alors que le tsunami a fait plus de 25.000 morts au Japon, la qualité des constructions antisismiques, directement issue des préconisations des géophysiciens qui dimensionnent le risque, a évité des dizaines de milliers de morts. A l'inverse, en Haïti, un séisme moins fort a fait s'écrouler les bâtiments sur la population.

Le texte de Xavier Le Pichon pose la grande question de la prévisibilité du séisme et du tsunami géant associé. Prévisibilité non pour une date, mais quant à la puissance du phénomène et de sa survenue obligatoire. Son texte donne le ton dès le titre : «Erreurs de prévision et de gouvernance dans la gestion au Japon de la mitigation des séismes mises en lumière par le séisme de Tohoku du 11 mars 2011.»

La carte ci-contre illustre les conséquence de cette erreur de prévision : c'est la carte officielle du risque sismique au Japon, on voit que la zone dévastée le 11 mars n'est affectée que par un risque faible (couleur jaune) d'un séisme supérieur à 7 pour les 30 ans à venir.

Voici quelques phrases ou morceaux de phrases significatives du raisonnement de Le Pichon, mais le texte n'est pas si long et accessible, j'en recommande la lecture intégrale.

-«(…) le séisme Mw 9.1-9.0 du 11 mars 2011 est le quatrième en terme de magnitude, après celui du Chili (1960, 9.5), d'Alaska (1964, 9.2) et de Sumatra (2004, 9.2-9.1). Ces mégaséismes sont dus à la rupture d'une zone de subduction. La zone de rupture, définie par les répliques, fait 600 km de longueur sur 250 km de large mais la zone de très grand mouvement (supérieur à 30 m et atteignant localement le chiffre énorme de 60 m) ne dépassait pas 100 km de longueur et 50 de large. Comme la vitesse de subduction est d'environ 90-95 mm/an, la déformation relâchée durant le séisme s'était donc accumulée pendant au moins sept siècles. (…) deux tiers du mouvement de rupture se sont produits (…) là où le plan de rupture est à moins de 20 km de profondeur. C'est cette zone de très grande rupture qui fut la source principale du mégatsunami dont l'amplitude atteignit 15 à 20 mètres et localement jusqu'à 50 mètres en déferlement.


Le séisme du 11 mars 2011 n'a pas seulement profondément secoué le Japon, mais aussi la sismologie Cartes seisme et répliques japonaise (…) les spécialistes japonais étaient par contre persuadés que la probabilité des séismes attendus pouvait être établie de manière rationnelle à partir de la définition de séismes caractéristiques pour chaque zone.(…) la carte de prévision officielle basée sur ces séismes caractéristiques ne prévoyait pas de séisme supérieur à 7.5 dans la zone la plus proche du continent et 8.2 au large près de la fosse, alors que le séisme du 11 mars avait une magnitude de 9.1-9.0. Sur la base de ces prévisions, les tsunamis attendus ne devaient pas dépasser 4 ou 5 mètres alors que ceux qui ont submergé les côtes japonaises le 11 mars dépassaient 15 à 20 mètres. Ainsi la centrale de Fukushima fut-elle construite pour être à l'abri de tsunamis de moins de 5.7 m alors que le tsunami atteignit 14 m en déferlement à Fukushima.

- Pourquoi les prévisions faites par les spécialistes japonais étaient-elles pareillement fausses? La principale erreur est d'avoir admis que le dernier siècle de sismicité est représentatif du régime permanent de la fosse de subduction. Or les zones de subduction peuvent produire des séismes de magnitude égale ou supérieure à 9 avec des mouvements dépassant 20 à 30 mètres accumulés durant plusieurs siècles, durée bien supérieure au siècle adopté par les spécialistes japonais pour la fosse du Japon. Et le fait que de grands séismes de magnitude 7.5-8 aient relâché une partie de la déformation élastique accumulée n'excluait pas qu'un mégaséisme leur fasse suite, comme ce fut le cas le 11 mars. En effet, l'énergie sismique dissipée durant le dernier siècle ne représentait que 20 % de l'énergie due au glissement de la plaque pacifique sous la plaque sur laquelle se situe le Japon. Autrement dit, la sismicité sur un siècle ne rendait compte que d'environ 20 mm/an de glissement alors que la vitesse réelle est de 90-95 mm/an.

L'hypothèse du régime permanent avait donc comme implication que 80 % de l'énergie due au glissement était évacuée par des microséismes ou des épisodes de glissement plastique. Or, après l'installation d'un réseau dense de stations GPS (30 km entre stations) à la suite du séisme de Kobé en 1995, il a été montré à partir de 1998 que la déformation élastique observée sur le Japon en face de la subduction du Pacifique correspondait à une vitesse de glissement voisine de 80 mm/a, soit proche de 100 % de la vitesse de subduction et non 20 %. Il devenait très difficile de réconcilier cette donnée avec l'existence d'un glissement silencieux de 80 % du mouvement.

- En conclusion, sur la base de ce que l'on savait sur les mégatsunamis historiques et sur la sismicité liée à la subduction de la fosse du Japon, on aurait dû prévoir qu'un séisme comparable au séisme du 11 mars se produirait un jour au large de cette côte et qu'il entrainerait un tsunami comparable, même s'il était impossible de prévoir la période, ni le lieu précis de cet événement».

L'erreur de gouvernance pointée par Le Pichon concerne la centrale nucléaier de Hamaoka, dont le gouvernement vient d'ordonner l'arrêt. Elle consiste, selon Le Pichon, à n'avoir pas fermé auparavant cette centrale (ou refusé sa construction) alors que les géophysiciens japonais avait affirmé qu'elle était menacé d'un séisme et d'un tsunami trop puissants pour ses protections.

Un autre texte, sur la prévision du tsunami, souligne que l'état de l'art en 1970, ne permettait pas d'en modéliser correctement l'amplitude, ce qui ajouté à l'absence de tsunami historique sur le site, peut expliquer les décisions prises en 1970, lorsque les réacteurs 1, 2, 3 et 4 de la centrale nucléaire de Fukushima Dai ichi ont été construits avec une protection contre un tsunami de moins de 6 mètres - il fut de 14 mètres le 11 mars. Il faut noter que les réacteurs les plus récents, 5 et 6, ont été construits plus haut. La question se pose des raisons pour lesquelles les premiers réacteurs ont été installés si près, probablement un pur calcul financier.



Par Sylvestre Huet, le 29 juin 2011
 
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